YOON HA NEUL ☾ Wolves howl at the moon

La Corée du Sud, malgré ses très nombreuses avancées reste un pays très ancré dans les traditions, notamment celles qui lient deux êtres. Être mère célibataire est une honte, la preuve que vous n'êtes qu'une traînée, que vous avez écarté les jambes pour un homme quelconque et qui, visiblement, n'a pas assumé ensuite. Une difficulté à laquelle il est difficile de faire face, une honte avec laquelle il faut vivre mais qui est presque destructrice lorsque, en plus d'être mère célibataire, vous n'êtes encore qu'une adolescente.

Ma mère avait seize ans lorsqu'elle m'a mis au monde et rien n'a été facile pour elle. Je ne connais pas mon père, je ne l'ai jamais rencontré et je n'ai jamais eu envie de le faire. Il a une relation avec une adolescente qu'il a décidé de jeter ensuite lorsqu'elle est devenue encombrante. Je ne me souviens plus vraiment de ma petite enfance, tout ce que je sais c'est que je n'ai été seul que deux ans, puisque mon petit frère nous a rejoints.

Je suis le ciel de ma mère, c'est ce qu'elle m'a toujours dit pour expliquer mon prénom. Son ciel, le soleil et les étoiles réunit. J'ai toujours aimé qu'elle me voit ainsi malgré les circonstances de ma naissance et les peines qui sont venues avec moi. J'ai toujours, aussi, eut une certaine responsabilité quant aux attentes de ma mère. Je devais être un exemple pour mon frère, je devais élever cette famille et plus que toute autre chose, je devais la rendre fière. J'étais un enfant qui avait terriblement besoin d'attention et je garde ce trait de caractère aujourd'hui encore. Je dois être reconnu, je dois être bon, dans tout ce que je fais.

J'ai grandi avec mon frère dans la précarité, ma mère enchaînant les emplois à mi-temps pour que nous puissions avoir un toit et de quoi manger. On ne la voyait pas beaucoup, mais on savait qu'elle était là pour nous. Je lui en ai toujours été reconnaissant. Sans elle, je ne serais pas de ce monde, MyungPan ne serait pas là non plus et si elle n'avait pas tout sacrifié pour nous, sans doute serions-nous morts, ou battus par de quelconque gérants de foyers. Allez savoir...

En plus d'être un fils à l'éducation irréprochable, j'ai longtemps tenté d'être le premier à l'école, sans grands résultats. Je n'ai tout simplement jamais réussi à me concentrer et à enregistrer quoi que ce soit. Je ne suis pas non plus un débile profond, je n'ai juste aucun attrait à apprendre ce qui ne me servira pas. Les tables de multiplication, les langues étrangères... Je ne sais rien de cela. En revanche, je peux vous réciter tous les grands créateurs de chaque décennie et les créations qui les ont rendus célèbres. La mode. Une passion qui ne m'était pourtant pas prédestinée. Je peux passer des heures à regarder des défilés, j'achète parfois un magazine si ma mère me donne une pièce ou deux. Je préfère rêver plutôt que manger. Très vite, je pense à devenir mannequin. Pourtant, mon rêve sera bien vite rejeté au second, voire au troisième plan, puis il disparaîtra.

Nous avons cruellement besoin d'argent, j'ai seize ans et ma mère est émotionnellement épuisée. Lorsqu'elle rentre à la maison, elle pleure, elle s'énerve et je me refuse à la voir dans cet état. Alors je souris et je lui dis que j'ai trouvé un travail, qu'il faut que j'arrête l'école mais que de toute façon, mes notes ne me serviront jamais. Elle n'est pas heureuse de ma décision, mais elle est soulagée, je peux le voir sur son visage.

Dès le lendemain, j'écume les bars, j'essaye de me faire embauche et le travail qu'on me propose après de longues heures de recherche, est de danser, de me déshabiller et de faire plaisir aux clients, visuellement, simplement. On me promet un salaire mirobolant pour mon jeune âge et sans réfléchir, j'accepte.

J'ai conscience que mon corps est mon atout principal, je fais beaucoup de sport, je prends soin de moi mais je ne sais pas danser. Tant pis. J'apprendrais. J'ai un sourire immense sur le visage lorsque je rentre et j'annonce à ma mère et mon petit frère que je vais pouvoir les aider, que je vais travailler dans un bar, que j'ai menti sur mon âge mais que ce n'est pas grave.

Mon manège dure deux longues années. Ma famille vit un peu mieux et j'ai appris à aimer mon métier. J'aime les regards qui se pose sur moi, j'aime les drogues qui circulent et que les clients me donnent pour avoir des danses privées. C'est à ce moment que je rejoins les Night Creepers et avec le gang, vient un nouveau métier. Je me laisse aller avec les clients, mes limites sont de moins en moins tracées et un soir je cède à une liasse de billets en me prostituant pour la première fois. Je ne peux pas dire que j'ai bien vécu le moment, mais ce n'était pas non plus le pire moment de ma vie. Alors j'ai continué. Le sourire de ma mère lorsque je lui donne de l'argent vaut toutes les peines du monde. Je ne sacrifie au fond pas grand-chose, un rêve qui n'aurait jamais eu lieu et une carrière qui ne m'aurait sans doute pas plus.

La vie suit son cours, j'aime l'homme séducteur que je suis devenu. J'aime pouvoir obtenir tant de choses en faisant si peu. L'homme est si facile à compromettre. De l'alcool, un peu de drogue et beaucoup de sexe font de moi le maître de mon monde. Je peux faire vivre ma famille et c'est au fond la chose la plus importante pour moi.