Nobody is impervious to misfortune ✘ Min Pyo

Deux heures tapantes, les quartiers les plus animés de la ville battaient à leur plein. Tu te glissais dans le mouvement de la foule, tu étais la foule. Les rires grisant des jeunes à moitié défoncés dans une ruelles, les échos des conversations anodines, les rues étroites mais emplies. Tu as grandi au lieu de cette animation, de ce vacarme et la chanson, tu la connais par cœur. Les coins les plus sordides font parti de toi, que ce soit ici ou à Séoul, au final, il n'y a pas grand chose qui diffère.

Pourtant, ce soir tu changeais tes habitudes. Tu ne flânais pas en ville dans le but de tuer le temps, tu ne traînais pas dans ta décadence habituelle. Cette nuit, tu avais une livraison. Étrangement, on ne t'avais non pas demandé une importante quantité de stupéfiant, mais une demi-douzaine de roses blanches pour un certain Jang Min Pyo. La sonorité de ce nom te semblait familière, tu jurais l'avoir déjà entendu quelque part. Mais qu'importe, tu le saurais le moment venu.

Tu abordais une tenue simple, jean troué, chemise blanche, tu te fondais dans la masse. Tu te faisais discret. Tu ne venais pas en tant que membre des Night Creepers, ni en tant que trafiquant. Le temps d'une nuit, tu te faisait citoyen modèle. Enfin, disons plutôt que tu en portait le costume.

Il te fallu peu de temps avant d'arriver à l'adresse indiqué & à ta grande surprise, tu te retrouvais face à l'enseigne d'un club que tu connaissais. Tu venais parfois tuer le temps dans le coin quand ce n'était pas pour régler des transactions. C'était un endroit animé et apprécié par la clientèle, autant pour leurs cocktails que pour le spectacle proposé. Une fois à l'intérieur, on ne sait jamais où trop regarder les première fois. Puis, vint l'habitude et c'est directement vers les feux de la rampe que daigne à tendre le regard. L'attention est alors saisies par les créatures qui se déhanches sur la scène et nos yeux, ne s'en détachent pas.

Ça te revenait alors, celui qui était destiné à recevoir ces fleurs était l'un de strip steaseur plutôt apprécié du club. Assez en tout cas pour recevoir un bouquet qui valait son prix. Ça t'était déjà arrivé de venir dans le coin et de l'admirer se donner en spectacle, mais pas ce soir.

Tu t'engouffrais dans le club, passant au travers les clients pour rejoindre les coulisses où il te fallu expliquer la raison de ta venue pour qu'on te laisse l'accès aux coulisses. Ici, rien n'est laissé au hasard. Tu t'avances alors au milieu des artiste avant de trouver celui pour lequel tu étais venu.

Tu le détaillais & il te semblait voir une différence avec les autres jours. Tu ne le connaissais pas, mais tu avais eu la chance d'apprendre à connaître son corps à travers ses représentations et, tu n'avais pas le souvenir de cette tâche d'encre sur les côtés du jeune homme. Tu t'approches et reconnais ledit dessin , des oiseaux bleus et rouges. C'était indéniablement l'emblème des Days Trotters. Ça t'arrache un sourire, ce type était un inconscient.

Tu te places dos à lui, posant le bouquet de fleurs sur la table avant de te pencher vers l'intéressé.

« Une livraison pour monsieur Jan Min Pyo, vous semblez avoir du succès, ma foi. Tu pouffe alors avant de reprendre plus bas, susurrant presque tes mots. Toutefois, ce genre d'endroit n'est pas un lieu pour les gens comme vous, Day Trotters. »

La musique est envahissante, entêtante, les lumières l'aveuglent et le rendent inapte à se déplacer sans avoir une hésitation quant au fait de savoir s'il parviendra à bon port sans se heurter à un million d'autres danseurs et la chaleur n'arrange rien. Il sera bientôt deux heures cependant et il a assez fait la fête comme ça, ses prestations ne sont pas celles que l'on sort d'un chapeau, tout est millimétré, pensé, ressenti, et pour cela, une longue préparation est nécessaire. Et enfin, le calme enrobe à nouveau Minpyo, assourdissant alors que ses oreilles sifflent encore des décibels qui font trembler les murs adjacents, mais il se laisse bercer par cette ambiance de pré-show, celle qui le rend à la fois terriblement calme mais horriblement fébrile. Il n'y a là rien d'exceptionnel, une penderie improvisée, un canapé, une coiffeuse avec un miroir gigantesque et une petite salle d'eau adjacente, mais c'est SA loge, celle qu'il a remporté bec et ongles au prix de nombreuses représentations plus inspirées les unes que les autres. Et il s'engouffre dans sa douche sans un remord pour refroidir son corps que les quelques heures au milieu des clients du club sont parvenues à ébouillanter, laissant la caresse des gouttes d'eau calmer doucement les battements de son cœur impatient.

A l'image d'un enfant, il était loin d'être ce qu'on aurait pu attendre du danseur de charme qui s'exposait souvent sur la scène principale, seule son enveloppe charnelle demeurait inchangée lorsqu'il quittait les planches, comme si son âme se séparait en deux parties d'un tout. D'une longue foulée, il quitta finalement la douche, s'enroulant dans un large peignoir et le laissant boire doucement les gouttes de sa peau tandis qu'il s'attelle au maquillage de son visage, une touche ici, une autre là, juste de quoi rehausser ses yeux légèrement, les rendant plus intenses encore. Doucement, alors que les traits de crayon viennent souligner ses paupières, rendant ses cils à peine plus longs, il sent que c'est le danseur qui prend le pas sur l'enfant en lui, le Day trotter que ses amis avaient appris à voir rire pour rien glisse doucement dans les chaussures de l'oiseau de nuit qu'il cache avec tant de brio. Abandonnant son vêtement de fortune au profit d'un pantalon adéquat pour sa prestation, Ilios s’apprête à entamer le camouflage de son tatouage lorsque la porte s'ouvre sur un bouquet de roses et il le suit des yeux, l'enfant en lui faisant un saut jusque dans ses yeux, leur rendant un éclat totalement extatique. Il s'en saisit à peine est-il posé sur la coiffeuse et plonge son nez dans les soyeuses pétales.

« Hm... Elles sont... » Mais ses mots s'évanouissent au creux de sa gorge et il lève le regard sur le miroir pour observer le livreur, moins franc, heureux et insouciant soudain.  Difficile de dire au premier abord si cet homme est ami ou ennemi avec son joli visage gracié de traits presque angéliques. « Tout endroit est le genre de lieu pour un Day trotter, seulement s'il le veut. On dirait que tu pars avec une longueur d'avance puisque je ne connais pas ton nom. » C'était frustrant, se retrouver dans le siège de la victime, de la proie, se savoir impuissant mais avoir envie, du plus profond de ses tripes. Le bouquet retrouve la surface froide de la coiffeuse assez vite et il s'en détourne. « Quel cadeau empoisonné, je me serais passé de l'attaché. » Garder la tête haute était sûrement un choix complètement idiot, effroyablement stupide même, et au travers de la glace, il maintenait le contact visuel avec son adversaire.

L'univers nocturne a toujours à ton goût dégagé quelque chose d’enivrant. Il se fait à l'image d'un addictif dont il est aussi difficile de s'en défaire que d'arrêter de boire lorsqu'on est alcoolique. Vivre dans ce monde là, c'est aussi une maladie. Une maladie endémique qui nous dévore un peu plus chaque jour. On ne vit plus qu'à travers ces lumières d'artifices. Les costumes de scènes, les capuches relevées dans l'unique but de dissimuler son faciès. C'était peut-être là que se trouve le véritable visage des gens. Tous dévoilent presque sans aucune impunité ce qu'ils sont vraiment. Cependant, pour pouvoir le faire, chacun doit cacher ce qu'il est une fois que le soleil domine les cieux.

C'était d'après toi aussi le cas de ce MinPyo.
Ledit Day Trotter qui s'empare de la scène et s'y déchaîne une fois la nuit tombée. C'était d'une ironie sans mesure. Si on se bat aussi durement pour obtenir une place dans ce monde là, c'est qu'on y porte une certaine attache. Tu es là, regardant ton visage grâce au reflet de son visage dans le miroir, tandis qu'inspire les fleurs que tu avais prit le soin de lui apporté.

Hm... Elles sont...
Belles. En effet, tu les avais choisies avec un soin particulier. La somme qu'on t'avait proposé pour ce bouquet était sous-jacente de l'envie d'un client qui se voulait voir offrir les plus belles fleurs que l'on puisse trouver à sa muse. Les traits d'innocence sur le visage de ton interlocuteur te feraient presque oublier que tu venais de découvrir qu'il était du camp adverse.

 Tout endroit est le genre de lieu pour un Day trotter, seulement s'il le veut.
Il te déclarait ça comme si c'était une vérité des plus évidente. Pourtant, tu es bien loin d'être convaincu. Leur place est d'après toi sous ce soleil grisant et assommant.

On dirait que tu pars avec une longueur d'avance puisque je ne connais pas ton nom.
Tu pouffes de nouveau. Il est vrai que tu en savais plus à son sujet qu'inversement. Se sentait-il menacé ? Tu te le demandes. Tu trouves qu'il y a quelque chose de plaisant dans cette situation. T'avais l'impression d'avoir attrapé un pauvre enfant sur les faits, tandis que dans sa naïveté la plus absolue, il ignorait le sens de ses actes. C'est mauvais, tu étais là pour travailler, mais ta nature première aimait se faire de mauvaise augure dans ses instant-là.

Il se détourne de cette offrande de mauvais goût, venant te regarder dans blanc des yeux. Il avait abandonné cette douceur innocente qu'il dégageait un peu plus tôt, l'enfant qui se veut être un homme. Tu percevais les choses ainsi. Tu ne daignes pas, maintenant son regard, jonchant les fins traits du visage de ton interlocuteur. C'était la première fois que tu voyais cet homme de si près, que tu le voyais ailleurs que sur cette scène qu'il savait dominer aussi bien par sa présence que par sa prestance.

Quel cadeau empoisonné, je me serais passé de l'attaché.
Tu te redresses, détachant ton regard dudit Min Pyo. Tu récupères sans grande gêne la carte qui accompagnait le bouquet. La note que ton client avait écrite était tout aussi douteuse que son auteur. Tu poses alors de nouveau ton regard sur le brun.

« Il a l'air de te porter beaucoup d'intérêt. » Lâches-tu avec ironie en faisant référence à celui qui avait commandé ces foutues fleurs. Un type forcément malsain, mais qui lui en voudrait ? On lui montrait de la chair dans le but d'obtenir l’entièreté de son attention, et maintenant il la désirait.

« Ça te répugne ? Mh, c'est bien pour ça que je maintiens l'idée que ce n'est pas un monde fait pour toi, Jang Min pyo. Tu hausses les épaules avant de déposer le bout de papier de là où tu l'avais extraite. Tu te reposes alors à moitié sur la coiffeuse, prenant définitivement trop facilement tes aises. A moins que ce ne soit toi, qui ne te sois trompé de camp. »

Tu te sentais d'humeur joueuse, après tout tu n'avais rien d'autre à faire après cette livraison quelque peu particulière et tu venais justement de trouver le meilleur moyen possible de t'occuper ne serais-ce qu'un peu.

« En temps général, je t'aurais dit qu'une information se mérite, mais puisque je pars avec deux coups d'avance, je te fais cadeau de mon nom. Je me dénomme Shin Min Hyun. »

Il se sait être chez lui. Chaque fibre de son être appartient à cet endroit, comme s'il n'avait jamais été question qu'il fasse autre chose que de danser ici et il sait que son nom apporte beaucoup au club. Ces quatre murs sont les siens et pourtant, alors qu'il plonge dans les orbes sombres de son interlocuteur, il ne ressent plus la même quiétude, la même excitation, à la place une sorte d'anxiété se glisse sous sa peau, rendant ses mouvements moins fluides, plus raides. Bien sûr, il fait son possible pour garder l'air serein et détendu, une façade forte pour masquer l'étrange adrénaline du danger qui grimpe en lui, rendant déjà ses doigts incapable de se maintenir dans la moindre position, jouant avec les quelques pétales des roses qui touchent ses cuisses depuis leur perchoir sur la coiffeuse. Il ne veut pas penser que son ennemi est beau, n'a pas la moindre envie de se dire qu'en d'autres circonstances, il l'aurait approché et il aurait préféré mourir qu'admettre que ses longs doigts agiles seraient mieux sur sa peau qu'à se saisir de la carte malsaine, mais maintenant qu'il le voit de face, difficile de nier l'évidence. .

« Ce genre d'intérêt ne m'est pas étranger. Et il ne me répugne pas... C'est le désir humain que de vouloir posséder un corps. C'est simplement que je ne suis pas à vendre. Surtout pas pour un bouquet de roses. » Son ego était-il surdimensionné ? A dire vrai, Minpyo était EXACTEMENT de ceux qu'on séduisait avec un bouquet de roses, mais il ne connaissait rien de son admirateur et ce cadeau, outre son extrême beauté et délicatesse (mettant de côté l'attaché obscène), ne mettait pas vraiment son cœur en émoi. Un sourire esquisse ses lèvres avant qu'il n'éclate d'un rire chaud comme le soleil, clairement naturel. « Moi ?! Chez les Night Creepers ? Je vois que finalement tu ne sais pas à qui tu t'adresses. Je suis simplement accro à la sensation que procure ce travail. Et la paie est bonne. »

Il ne ment pas, les regards braqués sur lui, attendant toujours plus, son nom, crié pour couvrir la musique, l'appelant dans l'espoir qu'il daigne leur offrir un regard langoureux et tout ce désir dirigé directement sur sa personne, il ne pourrait jamais se passer de ce travail. Et puis ça n'était pas sa paie au comptoir de glaces qui allait régler les factures pour son appart. Doucement il se lève, clairement plus petit que son interlocuteur bien que cette différence de tailles lui semble confortable un instant, et il observe ses lèvres. « MinHyun hein ? Ca me dit vaguement quelque chose. De toute façon, tu ne peux rien faire contre moi, tu es quoi ? Juste un membre ? » Comme si sa position n'était pas déjà assez délicate, sa propension à se fourrer dans des cas désespérés venait se mêler de ses affaires et il s'enfonçait à une vitesse vertigineuse. « Et puis le club n'est pas à vous que je sache, le propriétaire a vu mon tatouage pendant l’entretient et il n'a rien dit. »

Sans avoir la moindre idée des conséquences possibles de ses actes, il passe près de lui, le dépassant pour prendre un verre qui ferait office de vase de fortune dans un coin, le remplissant d'eau pour ensuite revenir et s'occuper des fleurs, se débarrassant de la carte d'un mouvement bref, l'envoyant directement dans la corbeille pleine de cotons imbibés d'une mixture de maquillage et de lotion démaquillante. Et le bouquet à tôt fait de trôner sur le bord de la coiffeuse à nouveau, désormais plus majestueux. Ses doigts se glissent alors sur ses cotes pour effleurer l'encre depuis longtemps sèche sous sa peau d'or. « Et je devrais déjà avoir fini de me préparer d'ailleurs. Je serai sur scène dans un peu plus d'une demie heure alors si tu voulais... Lever le camp ? »  Il savait pertinemment que la nuit était en elle même le territoire des Night Creepers et qu'il n'avait pas le droit de lui demander, surtout de cette façon, de bouger, mais une étrange assurance avait pris possession de sa bouche soudain.

Trouver sa place dans ce monde est une tâche bien ingrate pour un homme. Certains le sont dans leur foyer, accompagné de leurs proches & de leurs chaleureux sourires. D'autres la trouvent dans leur travail et ils s'y dévouent corps et âme. Et toi ? Tu répondrais certainement que tu l'as trouvé chez les Night Creepers. Ils sont les seuls substituts que tu as à cette famille distordue dans laquelle tu as vu le jour. Pourtant, il t'arrive de penser qu'ils sont eux aussi remplaçant de ce manque de stabilité au cours de la vie. Tu le réalisais quelque peu en entendant Minpyo parler avec conviction & ça, c'était difficile à l'admettre.

Lutter pour s'en sortir ? Tu connais ça que trop bien. L'entièreté de ton enfance s'y résume & voilà ce que ça à fait de toi. Un type névrosé au caractère et aux humeurs changeantes. Et lui, pourquoi se bat-il ? Pour danser sur une scène où tout ceux qui ont les yeux braqués sur lui ont l’esprit brouillé par des pensées obscènes ? C'est dégradant.

Ce genre d'intérêt ne m'est pas étranger.
Dit-il comme ci ce n'était pas la première fois que cela lui arrivait. Non, tu en mettrais ta main à couper ; ce n'était pas la première fois. Les flatteries dérangeante devaient sans doute aller de paire avec le métier.

Et il ne me répugne pas... C'est le désir humain que de vouloir posséder un corps.
Tu es alors tenté de lui demander si au contraire ce n'était pas ce qui lui plaisait, se sentir désiré, se savoir dans les fantasmes de chaque regard que croisent ses yeux lorsqu'il est là bas, sur scène. A moins qu'il soit celui qui actuellement celui qui es en train de se bercer de douces images. Tu te le demandes.

C'est simplement que je ne suis pas à vendre. Surtout pas pour un bouquet de roses. 
Il vendait son image. C'était déjà un premier rempart et, on ne sait jamais lorsque le second est franchit. Tu ne crois nullement en l'innocence et encore moins en ceux qui osent la prôner.  C'est pourquoi tu as tant de mal à accorder du crédit à ces quelques paroles. En même temps, à qui en accordes-tu exactement ? Aux dernières nouvelles, à pas grand monde.

Un sourire naquit sur les bords de ses lippes et tu ne peux t'empêcher de penser que ça lui allait plutôt bien. Il commence alors à s'expliquer comme pour se justifier. Je suis simplement accro à la sensation que procure ce travail. Plaide-il et une nouvelle fois, ça te fait doucement rire. Quelque part, tu avais obtenu un semblant de réponse. Il aimait se faire désirer, hanter les pensées malsaines de ces visages souriant salement derrières leurs verres de tequila, ces visages qui hurlent son nom dans le seul but d'obtenir son attention. Parce que ce pauvre contact visuel, c'est  la seule chose qu'ils arrivent à obtenir dans leur semblant de vie sociale et amoureuse. Ces gens là, tu les associes à des parasites en quête de moyens pour combler leurs désirs à jamais insatisfait.

MinHyun hein ? Ca me dit vaguement quelque chose. De toute façon, tu ne peux rien faire contre moi, tu es quoi ? Juste un membre ? 
Là aussi, indirectement tu avais obtenu ta réponse : il avait eu -ne serait-ce qu'un instant- peur pour son poste, pour son avenir au sein du groupe. Il devrait pourtant savoir que simple membre ou non, ça ne changeait pas grand chose. Une simple rumeur suffirait à créer le souffle qui ferait tomber le château de cartes. Il se défend pourtant cherchant à protéger ce qu'il possède de plus précieux, avançant des arguments de choix. Oh que oui, il se sentait menacé par ta simple présence ici.

Il fait comme si de rien n'était dans ses gestes, s'occupant du bouquet de roses. Pourtant ses mots ont dépassés ses actes. Seul un idiot ne comprendrait pas que quelqu'un qui est autant sur ses gardes craint qu'on ne lui dérobe quelque chose. Il essaie alors de te faire partir, contant qu'il doit se préparer et tu éclates aussitôt de rire.

« Tu es bien sur la défensive. Tu crains que je ne te fasses perdre ta place ? Pourtant, tu t'approches de lui, passant tes fines phalanges le long de sa joue.  Ça t'épargnerais ce genre de cartes dégradantes. Mais comme tu le dis si bien, c'est le désir humain ! »

Tu te retires d'un air presque trop enthousiaste. Ça y est, tu dérapais. La machinerie de ton cerveau t'empêchais de résonner avec raison de vouloir céder à autrui cet espace vital et ce besoin d'intimité. Tu t'arrêtes alors soudainement dans ton mouvement. Tu avais mis un peu de distance entre vous et tu plongeais alors ton regard dans le sien adoptant un air beaucoup plus grave. Tes humeurs contrastent indéfiniment.

«  Une question que je me pose, Minpyo. Est ce l'idée que ces gens s'imaginent posséder ton corps qui te plaît ou bien, est ce toi qui t'imagines du haut de ta scène posséder l'un de ces corps ? J'avoue que tu as éveillé cette curiosité en moi. »

Tu fais voltes face avant de te laisser tomber sur le canapé qui jonchait dans un coin de la pièce. Tu n'avais nullement l'intention de partir et tu compatis le lui faire comprendre. Tu t'affales presque une fois assis, prenant clairement tes aises en ce lieux. Le monde de la nuit, c'est ton essence.

« Je viens de trouver quelque chose de bien trop distrayant pour comme tu le dis, lever le camp. Tu me pardonneras donc, mais je crois que je vais refuser cette humble proposition. J’appréhenderais de ce côté de la scène et non de celui de ces vieux galeux qui t'observent, si tu appartiens vraiment au monde de la nuit. »

Un rire est généralement expression de bonne humeur, de joie, d'amusement, mais alors qu'il prend forme sur les lèvres de son vis-à-vis, les étirant d'une façon peu commune, caractéristique et malheureusement adorable, Minpyo réalise que pour lui, pour eux, c'est déjà trop tard : c'est un rire de victoire. Minhyun a compris que le brun craint pour sa place, pour ce monde dans lequel il évolue si facilement, à la manière d'un poisson rouge que l'on relâche dans un grand bassin au terme de mois de captivité dans un petit bocal. Mais Minpyo prend lui aussi conscience que loin d'être un simple fleuriste de quartier aux desseins innocents et presque romantiques, la psychologie du Night Creeper s'avançait sur des chemins bien moins éclairés et gérables. Son débit cardiaque augmente drastiquement lorsqu'il voit l'ennemi faire un pas vers lui, et un autre. Il semble détendu à s'occuper du bouquet comme si c'était le sujet principal de ses songes, pourtant il ne peut s'empêcher de garder un œil sur la proximité grandissante du jeune homme grâce à son miroir.

Le contact est bref et plutôt délicat, la plume d'un oiseau malhabile glissant sur la feuille de l'arbre chanceux qui voit l'oisillon prendre son envol, et pourtant, c'est assez pour lui faire monter le rose aux joues. Un puritain, lui ? Quelques lettres de moins au sein de ce mot semblaient devoir s'appliquer. Alors pourquoi une telle réaction ? « Ce que je fais de mon corps, de ma place ou ce que ces « mots d'amour » m'inspirent ne regarde que moi. Ne mets pas ton nez dans les affaires d'autrui. Qu'est-ce que ça t'apporterait ? Tu aurais mis la misère à un day trotter ? Super, je suis sûr que plusieurs de tes amis sont là à m'attendre. » Lorsque, enfin, Minhyun s'éloigne, le souffle d'ilios se fait plus court et il se rend compte qu'il était si tendu qu'il le retenait une seconde plus tôt. Il réunit la bravoure de son petit corps pour maintenir alors son regard.

« Je suis stip-teaser, pas prostitué. Je n'ai pas le temps de retenir les visages de la foule, moins encore la moindre forme de leurs corps. J'aime la scène, la danse et la sensation d'appartenir à un public. » A une scène, un endroit, quatre murs qu'il pouvait presque appeler les siens. Il l'observe s'installer dans ses quartiers et son sang bout doucement dans ses veines, devant se faire violence pour éviter de lui sauter au cou, c'est son nom qu'il y a sur la porte et non celui de l'opposant. « Je peux faire venir le vigile, tu sais que je peux. Je ne sais pas quelle curiosité dérangée j'ai éveillé en toi mais je m'en passerai ! » Mais c'était faux, un tel mensonge que même lui avait du mal à y croire alors qu'il en était l'énonciateur. Son cœur battait d'une excitation étrange, sûrement liée à la fois au fait que Minhyun se trouvait intrigué assez que pour rester (bien qu'il l'ait qualifié de distraction plutôt que d'intérêt) et à sa position complètement précaire, comme quelqu'un qui s'assied au bord de la falaise avant de sauter dans le vide, hésitant à faire le dernier pas.

Mais il n'a pas le choix et ne peut continuer de se chamailler avec l'homme, se tournant donc de nouveau vers le miroir pour s'occuper de camoufler le tatouage qui orne ses côtes. Ces gestes, visiblement habitués, répétés une multitude de fois, lui font toujours autant de mal. Les Day Trotter sont devenus sa famille et dissimuler ainsi son appartenance à leur gang ne manque pas de le faire culpabiliser un peu plus chaque nuit. « Je suis sûr que tu a quelqu'un d'autre à martyriser ? Je suis du soleil, je suis du jour. Tu ne me connais pas, comment cette image de moi pourrait t'en dire plus sur celui que je suis qu'à mes amis sur plusieurs années ? » Il cherche son regard dans son reflet, comme s'accrochant à ces orbes chaudes et pourtant vibrantes de sentiments différents, réprimés ou non, à l'image d'un drogué qui  ne peut s'empêcher de se tourner encore et encore, sans fin vers son dealer, acteur direct de sa chute. « Tu perds ton temps ici. Va voir si tu ne trouves pas un junkee dans le bar dont tu pourrais raccourcir un peu l'espérance de vie. »

Musique d'ambiance -
L'entêtement devait être l'un de tes traits de caractère le plus désagréable pour autrui. Quand tu le veux, tu te fais ingérable et insistant. Tu es de ce genre là, à empoisonner la vie des autres. Et vous savez quoi ? T'y prends un malin plaisir. T'y trouves ton compte à voir ces personnes lambda tomber de leur piédestal. T'es mauvais par nature, et tu ne cherches même plus à lutter contre ça. Tu ne vas plus à contre courant avec tes émotions comme tu aurais pu le faire par avant. Tu leur laisses libre court quand bien même ça te mène à un enfer mental des plus absolu.

Pour le moment, tes sens dormaient. Ils laissaient en paix cette psyché discordante qui te collait à la peau telle une véritable sangsue. Tu pouvais pouvais répondre à ton interlocuteur par les mots et non par les actes & jamais il ne serait conscient de la chance qu'il avait. Une erreur de sa part, et tout pouvait voler en éclats. Alors, pour le moment tu te contentais de l'observer. Ton regard ne se détachait pas de sa silhouette charnue. Il ne pouvait pas s'en défaire à vrai dire. Tu l'avais ainsi remarqué; à ton contact, ses joues s’étaient empourprées. Adorable.

 Ce que je fais de mon corps, de ma place ou ce que ces « mots d'amour » m'inspirent ne regarde que moi.
Il n'avait pas tort. Cette affaire ne te concernait nullement, mais que vouliez-vous ? Tu ne peux pas t'en empêcher. Tu as toujours associé ce type de travail à une forme de prostitution qui se voulait être faussement candide. Se mettre à nu sur scène pour nourrir des fantasmes, c'est se donner. En image, certes. Mais, c'est offrir son corps à tout ceux qui posent leur regards indiscrets dessus. Toi aussi, avec le temps, tu avais gravé l'image de ses courbes dans ton esprit au fil de ses prestations.

Ne mets pas ton nez dans les affaires d'autrui. Qu'est-ce que ça t'apporterait ?
Pas grand chose, en effet. Mais, tu étais de ceux qui trouvaient la satisfaction là où tout les autres n'y verraient qu'une perde de temps ou des jeux d'enfants. Tu es le pire d'entre tous.

Tu aurais mis la misère à un day trotter ? Super, je suis sûr que plusieurs de tes amis sont là à m'attendre.
Il te fixe droit dans les yeux, comme si détourner le regard serait perdre la face. Il veut faire bonne figure, mais tu le sens presque trembler. Il n'est pas de ceux qui ont déjà tout perdu. Il ne sait pas ce que c'est, alors tu lui pardonnes son affront, sa naïveté.

 Je suis stip-teaser, pas prostitué. Je n'ai pas le temps de retenir les visages de la foule, moins encore la moindre forme de leurs corps.  
S'il pensait alors avancer un argument de choix, c'était raté. Tu es prêt à parier que les putains étaient bien loin d'elles aussi retenir le visage de leurs partenaires d'une nuit. Toi même t'étais pas foutu de le faire. Alors, quelqu'un qui est payé pour donner du plaisir ? Même pas en rêve. D'ailleurs, c'était ce à quoi lui aussi était payé : combler des désirs insatisfait. La différence se trouvait juste dans la conception du tactile.

J'aime la scène, la danse et la sensation d'appartenir à un public.  
Un public qui se détacherait de lui au moindre défaut apparent sur sa peau laiteuse. Quelle blague.

Je peux faire venir le vigile, tu sais que je peux. Je ne sais pas quelle curiosité dérangée j'ai éveillé en toi mais je m'en passerai !
Ah. Voilà que lui aussi commençait à dire que tu étais dérangé, comme beaucoup de tes rencontres. Pourtant, c'est drôle, tu n'avais pas encore perdu ton sang froid avec lui. S'il voyait ce que tu étais réellement, quelle appellation utiliserait-il à ton égard ? Fou ? Timbré ? Peut-être psychopathe. Tu pouffes dans ton coin, il devait certainement pas en comprendre la raison, mais il le saurait bien assez tôt s'il continuait sur cette voix là.

« Faire venir un vigile pour un pauvre fleuriste qui es venu t'apporter les fleurs d'un tendre fan ? Ah, pas sûr que ce soit bien vu de mettre à la porte le messager de l'amour auprès des clients ! » C'est d'un air presque théâtrale que tu t'exprimes alors. Jouant de grands gestes pour accompagner tes mots. Lorsque tu eu finis, tu lanças de nouveau un regard vers ledit Minpyo avant d'hausser un sourcil curieux de ta place. Il s'était occupé de camoufler la marque de son gang. Les Day Trotters seraient sûrement affligés de voir ça.

Je suis du soleil, je suis du jour. Tu ne me connais pas, comment cette image de moi pourrait t'en dire plus sur celui que je suis qu'à mes amis sur plusieurs années.
Tu te penches légèrement en avant, posant un regard perçant comme si tu voyais à travers sa personne sur lui. Tu laissais sa question en suspend, te contentant d'y répondre par un sourire malicieux et un regard vicieux pour le moment. Tu veux lui faire comprendre que le temps n'est pas ce qui fait qu'on connaisse une personne, non. Les années pourraient filer qu'on pourrait rester étranger à nos proches.

« Je ne connais pas le Minpyo du jour, mais j'ai pendant très longtemps observé celui de la nuit au cours de mes visites. Celui qui aime danser sur scène se, pardonne moi l'expression, se prostituer visuellement auprès d'inconnus. Non pas seulement pour l'argent, mais aussi parce qu'il à ce besoin de se faire désirer. Tu dressais une sorte de profil au gré de tes observations, du ressenti qu'il te procurait lorsqu'il se trouvait là-bas à danser devant tout ces individus. Je me trompe?

Tu te relèves, t'approches avant de t'arrêter de nouveau face à lui. Tu le regardes de haut, que ce soit par la taille ou par la position. Tu te savais être celui qui menait la danse. Tu n'es pas de ceux qui vacillent. Tu es de ceux qui poussent le premier domino pour faire s'écrouler les suivant.

Tu perds ton temps ici. Va voir si tu ne trouves pas un junkee dans le bar dont tu pourrais raccourcir un peu l'espérance de vie. 
Tu te mords la lippe inférieure par simple réflexe lorsque tu te mets à réfléchir face à une forme d'incohérence. Tu ne lui avais jamais dit que tu dealais aux dernières nouvelles, ni même que tu étais des Night Creepers. Pour cette dernière information, il aurait pu la déduire logiquement de ton comportement, mais pour la drogue ? Pas moyen de deviner d'un simple coup de poker. Tu t'avances, tournant autour de lui les mains joint dans le dos, comme une proie tournerais autour de son gibier. Tu ne dis rien, faisant un premier tour, puis un second avant de t'arrêter net de briser le silence.

« Je ne peux pas m'empêcher d'être curieux quand il subsiste que deux moyens de savoir que je suis de cette branche là. La première, c'est que tu aies déjà chercher à te fournir auprès de moi. La seconde manière de savoir que je ne vend pas que des fleurs, c'est de m'avoir longuement observé pour me voir faire des transactions. De quelle catégorie fais-tu partie exactement ? »

Le goût du danger, comme une addiction, se répandant dans ses veines à une vitesse folle. Il souhaiterait ne pas faire partie de ces idiots qui ressentent une excitation spéciale une fois le manteau de la victime enfilé. Mais il semblerait que les choses lui échappent bien trop facilement cette fois. Il se sent comme pris au piège d'un gigantesque sablier, coincé entre des murs de verre alors que doucement, le sable monte, s'il n'y plongeait que les pieds et jouait avec la sensation amusante d'une caresse entre ses orteils quelques instants auparavant, il se retrouve désormais enfoncé jusqu'aux genoux et se savoir privé de la moindre échappatoire était loin de le rassurer. Son esprit panique à l'idée de se savoir paralysé par la simple présence de celui qui lui tient tête, il a d'ordinaire plus de résistance que cela. Mais son corps se dérègle et si son cœur accélère soudain, son esprit semble désormais tourner au ralentis alors qu'il scrute le moindre des mouvements de son interlocuteur, comme le renard, une fois pris dans la morsure métallique du piège, observe le chasseur, pris entre peur et une pointe d'agressivité qui se veut défensive.

S'il avait seulement pu se glisser dans les songes du brun, il aurait eu plus d'une objection quant à ses opinions réductrices sur son statut de strip-teaseur. Malheureusement pour lui, il n'avait pas le pouvoir de lire les pensées de son vis-à-vis et devait se contenter ainsi de pouvoir tenir tête à ses seules affirmations, image de ce qu'il souhaitait révéler de ses réflexions. Voilà d'ailleurs qu'il se glissait sous le manteau de fourrure confortable du mouton, prétendant pouvoir se faire passer pour le pauvre petit innocent qu'il aurait dû être à l'origine. Un rire teinté d'amertume vient chatouiller ses lèvres, mélange de notes à peine chaleureuses. « Ne me fais pas rire. Ils sont prêts à tout pour sauver mes fesses et espérer pouvoir poser la main sur moi alors si je veux raconter qu'un sale pervers a essayé d'abuser de ma gentillesse en m'apportant le cadeau d'un autre, je n'aurai aucun mal à te mettre tout le club à dos, ne crois pas le contraire. » Et ben qu'il n'avait rien d'une demoiselle en détresse, c'était partiellement vrai, un seul cri de ses lèvres aurait pu rameuter au moins la moitié de ses admirateurs. Il n'avait pas même à lever le petit doigt, ici, c'était lui la pauvre brebis égarée à qui chacun donnait la psychologie qu'il souhaitait.

Il ne l'avouerait jamais, pas même sous la torture, mais entendre MinHyun révéler être souvent venu pour jouir du spectacle de son corps sur la scène n'aide pas à calmer le rythme effréné de son muscle cardiaque et il se bat comme il peut pour réprimer le rose qui vient pourtant colorer sa nuque, trahissant tant le plaisir de savoir qu'il a toujours ce pouvoir étrange sur les hommes du club que la pointe de colère qu'il sent glisser en lui à l'annonce de ses paroles. Il l'insultait de prostitué, comme tant l'avaient fait auparavant, parce qu'une relation avec un danseur de charme ne vaut pas mieux que celle avec un prostitué, car personne ne veut partager cette vision, car il n'est bon qu'à être touché de façon unique, une fois toute sa gloire déshabillée de ses jambes et son visage volé de son air mystérieux et sensuel, il ne valait plus la peine qu'on se donne pour garder un trésor. Et l'envie d lui sauter au cou est forte mais il puise dans ses ressources et affiche un sourire en coin. « Un prostitué, hein ? Et si tu avais raison ? On dirait bien que je ne suis qu'une pute -et le mot claque contre ses dents- pour les petits pervers de ton genre. »

La proximité soudaine que lui impose MinHyun ne sert pas à lui rendre son aisance, il se contente de rester comme toujours fixe, ne le regardant que lorsqu'il se trouve face à lui, se mordant la langue car il DOIT garder la face, il ne peut pas laisser cette personne gagner. « Une personne comme toi ? Qui s'amuse à rabaisser les gens et à menacer ce qui fait d'eux ce qu'ils sont ne peut qu'appartenir aux Night Creepers, non ? Et puis tu as eu une telle réaction en apercevant mon tatouage, impossible que tu ne sois qu'un pauvre habitant lambda. » Il s'approche de lui d'un pas, leurs souffles se mêlant désormais alors qu'il tend un bras pour attraper son haut, une chemise noire, simple. « Et chez vous, on ne pratique pas vraiment la vente de sucettes, que je sache. J'avais une chance sur deux, je suppose ? » Son regard soutient le sien, mais le soleil au fond de ses orbres d'ambres vacille, comme un crépuscule d'été, ce moment ou le ciel se teinte de mauve, laissant peu à peu la nuit ternir sa force mordorée. « A moins que moi aussi, j'ai eu l'occasion de t'observer par le passé. Qui sait ? »

Il t'arrivait de te demander parfois pourquoi tu tenais temps à t’acharner sur une personne alors que tu pouvais simplement passer ta route. C'est vrai, rien ne te retenait ici et surtout pas ton interlocuteur. Pourtant, c'était difficile à avouer, mais tu ressentais ce besoin de vouloir creuser un peu plus derrière la carapace du danseur. Quelque part, tu aurais cette sensation de déception si tu t'en allais maintenant. C'était bien plus qu'une question d'affront ou d'entêtement. C'était une évidence à laquelle tu ne saurais donner de nom.

Tu n'aimes pas être associer à ces être tordus assis sur leurs fauteuils en simili cuir un verre à la main matant tranquillement les corps dénudés sur la scène. Non, ces gens là, tu les détestes. Ils sont l'absolu contraire de ce que tu es, de tout ce que tu as toujours connu. Ils ont baigné dans la stabilité et viennent la gâcher de leur propre ego. Toi, tu étais là par dépit. Tu étais là pour tenter de t'en sortir un peu plus chaque jour au profit de ces immondicités.  

Tu es d'une liberté sans équivoque et paradoxalement ; tu réduis les autres à des catégories ou groupes de personnes. Tu es de cette nature à aller sans cesses à contre-courant. Tu batailles, même dans ta petit carcasse vide.

C'est un rire amer qui résonne alors dans la pièce, l'écho d'une certaine amertume à ton égard. Tu ne sais pas si ça te froisse ou si tout au contraire, ça t'attire encore un peu plus. Tu es le chasseur et étrangement, tu es comme pris dans les mailles du filet par son rire. C'est un énième contre-sens.

 Ne me fais pas rire. Commence-t-il sa menace. Ils sont prêts à tout pour sauver mes fesses et espérer pouvoir poser la main sur moi. Il avait certainement raison. Tu ne comptes plus le nombres de murmures insolents que tu entendais filer entre les spectateurs à son propos. Difficile d'évaluer correctement la quantité de personnes qui avouent secrètement qu'elles le verraient bien plongée au milieu de ses draps dans une pièce qui puerait l'encens jusqu'à en obscurcir nos sens.

Alors si je veux raconter qu'un sale pervers a essayé d'abuser de ma gentillesse en m'apportant le cadeau d'un autre, je n'aurai aucun mal à te mettre tout le club à dos, ne crois pas le contraire. 
Il n'avait pas tord, vos affluences sont différentes. Il peut t'empêcher de remettre les pieds ici, tout comme t'attirer les regards foudroyants de ses plus fidèles admirateurs. Et toi, tu pouvais ruiner sa réputation extérieure dégradant assez son image pour qu'on ne veuille plus l’embaucher. Au final, aucun de vous ne gagnerait à cette petite guerre d'affront.

Un prostitué, hein ? Et si tu avais raison ? On dirait bien que je ne suis qu'une pute.
T'avais touché un point sensible, ça s'entendait. Le mot claque, non, il sonne comme un gong qui cherche à te faire comprendre que tu l'avais agacé au plus haut point.

Pour les petits pervers de ton genre. 
Ah, il y a une méprise. Il est vrai que tu es du genre à être aussi une sorte de sale petite pute, mais à ta manière et sous des formes différentes. Tu n'as jamais à songer venir ici pour le regarder par simple plaisir de jouir du spectacle. Ton yeux l'ont simplement croisé par hasard & ils avaient été capturé l'espace de quelques secondes. Il soutient ton regard, luttant face à toi et ça t'arrache un sourire inconscient. Parce que ça te rappelle la rage que tu avais autrefois.

Une personne comme toi ? Qui s'amuse à rabaisser les gens et à menacer ce qui fait d'eux ce qu'ils sont ne peut qu'appartenir aux Night Creepers, non ?
Tu étais certainement réducteur, mais il l'était aussi alors. Tu aurais pu tout aussi bien être un simple inconscient sans foi, ni lois portant un trop grand amour à l'anarchie pour rejoindre un quelconque gang. Mais, il fallait croire que tu n'avais rien d'un oisillon égaré.

Et puis tu as eu une telle réaction en apercevant mon tatouage, impossible que tu ne sois qu'un pauvre habitant lambda. 
Il n'était pas si ignorant que ça, finalement. Si tu avais été l'un des leurs, tu te serais plus inquiété de son sort que de vouloir te faire aussi toxique à son égard.

Il s'approche et tu jurais sentir ton rythme cardiaque faillir lorsque ses doigts s'enroulent autour de ton col et que son souffle s'écrase sur ta peau. Il continue de te menacer subtilement, te mettant en phase avec des évidences. Tu saisis sa main ayant une prise sur toi.

«On serait tout les deux perdants à ce petit jeu, Jang Min Pyo. » Souffles-tu d'un air presque glacial, ton sourire s’efface et tes légers rires se meurent. La bateau de ta psyché avait commencé à dériver, mais il n'avait pas encore totalement chaviré. Tu serres un peu plus tes doigts, faisant pression sur sa main. Tu lui fais comprendre que s'il ne veut pas avoir mal, il avait plutôt intérêt à la retirer maintenant.

« Il n'y a pas grande satisfaction à menacer un type comme moi, tu sais. J'ai pas grand chose à perdre, mais toi, si. Alors, ne joues pas à ça. Tu ne sais pas ce que de tout perdre et je peux te faire goûter à ce malheur, alors lâche-moi immédiatement, parce que tu ne tiendrais pas trois jours sans tout ça. »

Tu désignes par ce dernier mot, son métier, ce club, ses fans et tout les artifices qui vont avec. Vos mondes ont beau se ressembler, ils sont décidément des plus différents.

« Tu n'es pas aussi bête que je ne l'aurais crû. Mais, ne pense pas que je t'ai observé parce que je suis de cette tranche là, je vois simplement ce qui passe sous mes yeux. Tu es aussi signifiant qu'une plante verte. Et je suis sûr que c'est aussi réciproque. Un type comme toi ne croise le regard des gens comme moi que pas hasard. Alors, toi ? M'observer ? Je ne crois pas non. Tu as simplement et plutôt bien parié.»

Ta main libre se tend alors vers sol col, et cette fois-ci, c'est toi qui l'attire vers toi réduisant la distance qui vous sépare à ne serais-ce que quelques millimètres.

« J'aurais été un pervers dans le sens où tu l'entends, tu ne serais pas aussi indemne que maintenant. Ne l'oubli pas. Tu le relâches. Tu vas être en retard. »

Contrairement aux apparences, qu'il essaie désespérément de sauver quitter à mettre en danger sa santé mentale, la situation lui échappe complètement. Son interlocuteur pense qu'ils jouent à armes égales, avec tous deux des moyens de pression plus ou moins équivalents, mais Minpyo n'était la star que d'un club tandis que Minhyun fournissait les pervers, alcooliques, âmes en peine de dizaines de clubs et tout cela en pleine impunité puisque son gang couvrirait le moindre de ses faux pas. Ilios n'était pas même un surnom qui se serait accordé sur les traits d'un night creeper, comment pouvait on penser que le strip-teaser sortirait indemne de cet échange. S'il avait pu sembler menaçant aux yeux de son homologue, ça n'était que par une chance insolente et totalement inattendue, comme une dernière bénédiction de son astre chanceux pour lui permettre d'au moins finir cette soirée par une nouvelle prestation, la drogue qu'il adorait tant.
Alors que leur proximité se fait moins confortable, plus rigide, il sent son cœur palpiter contre ses côtes et se demande si le son de ces percussions peuvent parvenir jusqu'à son adversaire, comme un signal de détresse, du morse d'émotions ; il a tout intérêt, ceci dit, à ce que son interlocuteur ne puisse en faire la traduction car se retrouver de façon évidente à la place de la souris dont la queue est restée coincée dans le piège n'est une place que personne n'envie. Et doucement ses doigts se défont du tissu pour se saisir de son propre haut qu'il a tout juste le temps de passer autour de son buste, glissant habilement les bras au creux des manches, que déjà le col en est saisi, réduisant encore impossiblement la distance entre eux. Ah ? Et qui était supposé lâcher l'autre dans tout cela, lui ne le faisait pas même par menace... Mais alors pourquoi ? Une sorte de démangeaison au creux de ses doigts qui l'avait forcé à créer ce rapprochement, se retenant de glisser même contre la peau de sa gorge. Etrange comme l'homme est d'une faiblesse affolante lorsqu'il s'agit de ses semblables.

« Je crois que l'on utilise le terme « menacer » lorsque l'on est le premier à s'en prendre à autrui. Dans mon cas, on appelle plutôt ça de la défense, non ? Et puis, me faire tout perdre t'ôterait ton pouvoir sur moi, non ? Je ne sais pas si tu pourrais t'en priver, tu sembles en jouir plus que de raison. » Son regard vacille alors que sa voix est presque assurée. Il n'a jamais été celui qui pouvait supporter la pression de l'affrontement et n'était d'ailleurs jamais en première ligne, il était plutôt le bouffon de son gang, celui qui remontait le moral des troupes, aussi ses yeux s'étaient ils plutôt posés sur son nez, glissant le long de l'arête, ne pouvant qu'en admirer la régularité alors que, comme indiqué par ce mouvement, il finit par observer les lèvres de l'opposant, les voyant bouger plus qu'il ne l'entend parler.
« Je ne sais pas si je dois être offensé ou flatté. Mais vu que cela vient de quelqu'un comme toi, je dirais offensé. Tu as de tels préjugés sur les gens que tu te permets de les juger d'un regard. Tes assomptions sont peut être justes pour certaines personnes mais je ne rentre pas dans les boites que tu as créées. » Il s'éloigne enfin de lui, respirant enfin normalement, ajustant la veste autour de son corps, le tissu volatile lui donnant une dimension plus mystérieuse. Il sait qu'il est déjà en retard, son planning est serré et il n'a d'ordinaire pas une minute à consacrer à ce genre d'altercation. Alors pourquoi avoir couru à toutes jambes dans le grossier piège tendu par Minhyun ? Il n'en avait aucune idée. Son cœur bat encore comme celui d'un oiseau lorsqu'il se dirige vers l'accès à la scène en quelques rapides enjambées. « Au plaisir de ne pas te revoir. »
Et ces derniers mots étaient d'une hypocrisie à couper le souffle, l'adrénaline qui s'était emparée de lui alors qu'il se débattait entre les griffes de son assaillant lui avait insufflé une telle impression de vie qu'il n'avait qu'une hâte, recroiser son chemin.