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Contrairement aux apparences, qu'il essaie désespérément de sauver quitter à mettre en danger sa santé mentale, la situation lui échappe complètement. Son interlocuteur pense qu'ils jouent à armes égales, avec tous deux des moyens de pression plus ou moins équivalents, mais Minpyo n'était la star que d'un club tandis que Minhyun fournissait les pervers, alcooliques, âmes en peine de dizaines de clubs et tout cela en pleine impunité puisque son gang couvrirait le moindre de ses faux pas. Ilios n'était pas même un surnom qui se serait accordé sur les traits d'un night creeper, comment pouvait on penser que le strip-teaser sortirait indemne de cet échange. S'il avait pu sembler menaçant aux yeux de son homologue, ça n'était que par une chance insolente et totalement inattendue, comme une dernière bénédiction de son astre chanceux pour lui permettre d'au moins finir cette soirée par une nouvelle prestation, la drogue qu'il adorait tant.
Alors que leur proximité se fait moins confortable, plus rigide, il sent son cœur palpiter contre ses côtes et se demande si le son de ces percussions peuvent parvenir jusqu'à son adversaire, comme un signal de détresse, du morse d'émotions ; il a tout intérêt, ceci dit, à ce que son interlocuteur ne puisse en faire la traduction car se retrouver de façon évidente à la place de la souris dont la queue est restée coincée dans le piège n'est une place que personne n'envie. Et doucement ses doigts se défont du tissu pour se saisir de son propre haut qu'il a tout juste le temps de passer autour de son buste, glissant habilement les bras au creux des manches, que déjà le col en est saisi, réduisant encore impossiblement la distance entre eux. Ah ? Et qui était supposé lâcher l'autre dans tout cela, lui ne le faisait pas même par menace... Mais alors pourquoi ? Une sorte de démangeaison au creux de ses doigts qui l'avait forcé à créer ce rapprochement, se retenant de glisser même contre la peau de sa gorge. Etrange comme l'homme est d'une faiblesse affolante lorsqu'il s'agit de ses semblables.

« Je crois que l'on utilise le terme « menacer » lorsque l'on est le premier à s'en prendre à autrui. Dans mon cas, on appelle plutôt ça de la défense, non ? Et puis, me faire tout perdre t'ôterait ton pouvoir sur moi, non ? Je ne sais pas si tu pourrais t'en priver, tu sembles en jouir plus que de raison. » Son regard vacille alors que sa voix est presque assurée. Il n'a jamais été celui qui pouvait supporter la pression de l'affrontement et n'était d'ailleurs jamais en première ligne, il était plutôt le bouffon de son gang, celui qui remontait le moral des troupes, aussi ses yeux s'étaient ils plutôt posés sur son nez, glissant le long de l'arête, ne pouvant qu'en admirer la régularité alors que, comme indiqué par ce mouvement, il finit par observer les lèvres de l'opposant, les voyant bouger plus qu'il ne l'entend parler.
« Je ne sais pas si je dois être offensé ou flatté. Mais vu que cela vient de quelqu'un comme toi, je dirais offensé. Tu as de tels préjugés sur les gens que tu te permets de les juger d'un regard. Tes assomptions sont peut être justes pour certaines personnes mais je ne rentre pas dans les boites que tu as créées. » Il s'éloigne enfin de lui, respirant enfin normalement, ajustant la veste autour de son corps, le tissu volatile lui donnant une dimension plus mystérieuse. Il sait qu'il est déjà en retard, son planning est serré et il n'a d'ordinaire pas une minute à consacrer à ce genre d'altercation. Alors pourquoi avoir couru à toutes jambes dans le grossier piège tendu par Minhyun ? Il n'en avait aucune idée. Son cœur bat encore comme celui d'un oiseau lorsqu'il se dirige vers l'accès à la scène en quelques rapides enjambées. « Au plaisir de ne pas te revoir. »
Et ces derniers mots étaient d'une hypocrisie à couper le souffle, l'adrénaline qui s'était emparée de lui alors qu'il se débattait entre les griffes de son assaillant lui avait insufflé une telle impression de vie qu'il n'avait qu'une hâte, recroiser son chemin.

Le goût du danger, comme une addiction, se répandant dans ses veines à une vitesse folle. Il souhaiterait ne pas faire partie de ces idiots qui ressentent une excitation spéciale une fois le manteau de la victime enfilé. Mais il semblerait que les choses lui échappent bien trop facilement cette fois. Il se sent comme pris au piège d'un gigantesque sablier, coincé entre des murs de verre alors que doucement, le sable monte, s'il n'y plongeait que les pieds et jouait avec la sensation amusante d'une caresse entre ses orteils quelques instants auparavant, il se retrouve désormais enfoncé jusqu'aux genoux et se savoir privé de la moindre échappatoire était loin de le rassurer. Son esprit panique à l'idée de se savoir paralysé par la simple présence de celui qui lui tient tête, il a d'ordinaire plus de résistance que cela. Mais son corps se dérègle et si son cœur accélère soudain, son esprit semble désormais tourner au ralentis alors qu'il scrute le moindre des mouvements de son interlocuteur, comme le renard, une fois pris dans la morsure métallique du piège, observe le chasseur, pris entre peur et une pointe d'agressivité qui se veut défensive.

S'il avait seulement pu se glisser dans les songes du brun, il aurait eu plus d'une objection quant à ses opinions réductrices sur son statut de strip-teaseur. Malheureusement pour lui, il n'avait pas le pouvoir de lire les pensées de son vis-à-vis et devait se contenter ainsi de pouvoir tenir tête à ses seules affirmations, image de ce qu'il souhaitait révéler de ses réflexions. Voilà d'ailleurs qu'il se glissait sous le manteau de fourrure confortable du mouton, prétendant pouvoir se faire passer pour le pauvre petit innocent qu'il aurait dû être à l'origine. Un rire teinté d'amertume vient chatouiller ses lèvres, mélange de notes à peine chaleureuses. « Ne me fais pas rire. Ils sont prêts à tout pour sauver mes fesses et espérer pouvoir poser la main sur moi alors si je veux raconter qu'un sale pervers a essayé d'abuser de ma gentillesse en m'apportant le cadeau d'un autre, je n'aurai aucun mal à te mettre tout le club à dos, ne crois pas le contraire. » Et ben qu'il n'avait rien d'une demoiselle en détresse, c'était partiellement vrai, un seul cri de ses lèvres aurait pu rameuter au moins la moitié de ses admirateurs. Il n'avait pas même à lever le petit doigt, ici, c'était lui la pauvre brebis égarée à qui chacun donnait la psychologie qu'il souhaitait.

Il ne l'avouerait jamais, pas même sous la torture, mais entendre MinHyun révéler être souvent venu pour jouir du spectacle de son corps sur la scène n'aide pas à calmer le rythme effréné de son muscle cardiaque et il se bat comme il peut pour réprimer le rose qui vient pourtant colorer sa nuque, trahissant tant le plaisir de savoir qu'il a toujours ce pouvoir étrange sur les hommes du club que la pointe de colère qu'il sent glisser en lui à l'annonce de ses paroles. Il l'insultait de prostitué, comme tant l'avaient fait auparavant, parce qu'une relation avec un danseur de charme ne vaut pas mieux que celle avec un prostitué, car personne ne veut partager cette vision, car il n'est bon qu'à être touché de façon unique, une fois toute sa gloire déshabillée de ses jambes et son visage volé de son air mystérieux et sensuel, il ne valait plus la peine qu'on se donne pour garder un trésor. Et l'envie d lui sauter au cou est forte mais il puise dans ses ressources et affiche un sourire en coin. « Un prostitué, hein ? Et si tu avais raison ? On dirait bien que je ne suis qu'une pute -et le mot claque contre ses dents- pour les petits pervers de ton genre. »

La proximité soudaine que lui impose MinHyun ne sert pas à lui rendre son aisance, il se contente de rester comme toujours fixe, ne le regardant que lorsqu'il se trouve face à lui, se mordant la langue car il DOIT garder la face, il ne peut pas laisser cette personne gagner. « Une personne comme toi ? Qui s'amuse à rabaisser les gens et à menacer ce qui fait d'eux ce qu'ils sont ne peut qu'appartenir aux Night Creepers, non ? Et puis tu as eu une telle réaction en apercevant mon tatouage, impossible que tu ne sois qu'un pauvre habitant lambda. » Il s'approche de lui d'un pas, leurs souffles se mêlant désormais alors qu'il tend un bras pour attraper son haut, une chemise noire, simple. « Et chez vous, on ne pratique pas vraiment la vente de sucettes, que je sache. J'avais une chance sur deux, je suppose ? » Son regard soutient le sien, mais le soleil au fond de ses orbres d'ambres vacille, comme un crépuscule d'été, ce moment ou le ciel se teinte de mauve, laissant peu à peu la nuit ternir sa force mordorée. « A moins que moi aussi, j'ai eu l'occasion de t'observer par le passé. Qui sait ? »

Un rire est généralement expression de bonne humeur, de joie, d'amusement, mais alors qu'il prend forme sur les lèvres de son vis-à-vis, les étirant d'une façon peu commune, caractéristique et malheureusement adorable, Minpyo réalise que pour lui, pour eux, c'est déjà trop tard : c'est un rire de victoire. Minhyun a compris que le brun craint pour sa place, pour ce monde dans lequel il évolue si facilement, à la manière d'un poisson rouge que l'on relâche dans un grand bassin au terme de mois de captivité dans un petit bocal. Mais Minpyo prend lui aussi conscience que loin d'être un simple fleuriste de quartier aux desseins innocents et presque romantiques, la psychologie du Night Creeper s'avançait sur des chemins bien moins éclairés et gérables. Son débit cardiaque augmente drastiquement lorsqu'il voit l'ennemi faire un pas vers lui, et un autre. Il semble détendu à s'occuper du bouquet comme si c'était le sujet principal de ses songes, pourtant il ne peut s'empêcher de garder un œil sur la proximité grandissante du jeune homme grâce à son miroir.

Le contact est bref et plutôt délicat, la plume d'un oiseau malhabile glissant sur la feuille de l'arbre chanceux qui voit l'oisillon prendre son envol, et pourtant, c'est assez pour lui faire monter le rose aux joues. Un puritain, lui ? Quelques lettres de moins au sein de ce mot semblaient devoir s'appliquer. Alors pourquoi une telle réaction ? « Ce que je fais de mon corps, de ma place ou ce que ces « mots d'amour » m'inspirent ne regarde que moi. Ne mets pas ton nez dans les affaires d'autrui. Qu'est-ce que ça t'apporterait ? Tu aurais mis la misère à un day trotter ? Super, je suis sûr que plusieurs de tes amis sont là à m'attendre. » Lorsque, enfin, Minhyun s'éloigne, le souffle d'ilios se fait plus court et il se rend compte qu'il était si tendu qu'il le retenait une seconde plus tôt. Il réunit la bravoure de son petit corps pour maintenir alors son regard.

« Je suis stip-teaser, pas prostitué. Je n'ai pas le temps de retenir les visages de la foule, moins encore la moindre forme de leurs corps. J'aime la scène, la danse et la sensation d'appartenir à un public. » A une scène, un endroit, quatre murs qu'il pouvait presque appeler les siens. Il l'observe s'installer dans ses quartiers et son sang bout doucement dans ses veines, devant se faire violence pour éviter de lui sauter au cou, c'est son nom qu'il y a sur la porte et non celui de l'opposant. « Je peux faire venir le vigile, tu sais que je peux. Je ne sais pas quelle curiosité dérangée j'ai éveillé en toi mais je m'en passerai ! » Mais c'était faux, un tel mensonge que même lui avait du mal à y croire alors qu'il en était l'énonciateur. Son cœur battait d'une excitation étrange, sûrement liée à la fois au fait que Minhyun se trouvait intrigué assez que pour rester (bien qu'il l'ait qualifié de distraction plutôt que d'intérêt) et à sa position complètement précaire, comme quelqu'un qui s'assied au bord de la falaise avant de sauter dans le vide, hésitant à faire le dernier pas.

Mais il n'a pas le choix et ne peut continuer de se chamailler avec l'homme, se tournant donc de nouveau vers le miroir pour s'occuper de camoufler le tatouage qui orne ses côtes. Ces gestes, visiblement habitués, répétés une multitude de fois, lui font toujours autant de mal. Les Day Trotter sont devenus sa famille et dissimuler ainsi son appartenance à leur gang ne manque pas de le faire culpabiliser un peu plus chaque nuit. « Je suis sûr que tu a quelqu'un d'autre à martyriser ? Je suis du soleil, je suis du jour. Tu ne me connais pas, comment cette image de moi pourrait t'en dire plus sur celui que je suis qu'à mes amis sur plusieurs années ? » Il cherche son regard dans son reflet, comme s'accrochant à ces orbes chaudes et pourtant vibrantes de sentiments différents, réprimés ou non, à l'image d'un drogué qui  ne peut s'empêcher de se tourner encore et encore, sans fin vers son dealer, acteur direct de sa chute. « Tu perds ton temps ici. Va voir si tu ne trouves pas un junkee dans le bar dont tu pourrais raccourcir un peu l'espérance de vie. »