CHOI JUNG-TAN ☾ the moonlight

C’est drôle parce que t’aurais pu finir totalement autrement. Rien ne pouvait prédire que tu te perdrais, que tu t’enfoncerais et que tu finirais comme t’es là maintenant. Ou peut-être que c’était écrit quelque part ? A la limite toi tu t’en fous, t’es pas croyant. T’es pas né dans une famille monoparentale, en difficulté financière, tes parents étaient pas alcooliques. Tout allait bien, au début en tout cas. Ton père était cadre dans une entreprise, le genre d’entreprise où on reste toute sa vie. Un truc ennuyant et ennuyeux, quand il t’en parlait du haut de tes neuf ans tu te demandais déjà si ton père était réellement heureux. Il donnait l’air de l’être, mais avec du recul même aujourd’hui tu te demandes si taper des chiffres sur une calculette et passer des heures enfermé au bureau ça peut combler une vie. C’est peut-être l’ennuie qui a participer à le faire tomber en dépression ? Ta mère elle, elle avait repris le restaurant de ton grand-père. Ce n’était pas un restaurant étoilé, mais t’aimais bien manger les nouilles qu’elle préparait. Oh, et tu avais une petite-sœur aussi. Vous habitiez au-dessus du restau : pas le luxe, mais vous vous portiez bien.

T’avais de bonnes notes en cours, ta sœur était même jalouse parfois parce que c’était toujours toi qu’on félicitait le soir. Mais elle t’admirait quand même, t’étais comme son modèle, plus maintenant. Je crois que t’as commencé à changer l’année de tes douze ans : quand t’as surpris ton père au téléphone par rapport à une affaire d’argent. T’avais compris qu’il venait de faire affaire avec la concurrence, qu’il avait trahit sa boite pour se faire un peu plus de thune : tu ne connaissais pas les détails, mais ce n’était pas la première fois. Il n’était peut-être pas si heureux que ça alors, il avait besoin d’action. Tu l’as dit à ta mère et aujourd’hui ça t’arrive de penser que tu n’aurais pas dû. Finalement ils ont divorcé quand ton père a été traîné en justice parce qu’il s’était fait prendre. Pour faire court l’un est tombé en dépression et l’autre a perdu le restaurant : ta sœur et toi vous avez fini en foyer.

J’aurais bien aimé raconter que c’était un foyer plein d’amour, qu’il y avait des responsables qui s’occupaient de vous, pour qui vous comptiez réellement. J’aurais bien aimé dire qu’il y en avait un à la GTO, avec qui tu t’étais même lié d’amitié. Les années que tu as passées au foyer étaient bien différentes. Mauvaises fréquentations, premières grosses conneries, mais rien en comparaison de ce que tu vis aujourd’hui. Tu voulais arrêter les cours un an avant ta dernière année, qu’est-ce que tu t’en foutais d’avoir ton diplôme ! Tu l’aurais bien fait si ta sœur ne t’en avait pas dissuadé. Qu’est-ce  que tu l’avais déçue, tu l’avais même délaissée, peut-être que tu lui devais bien ça. La seule chose qu’elle te demandait, c’était que tu aies ton diplôme, c’était ce que tes parents auraient voulu, c’était toi l’intello de la famille à la base quand même.

C’est en dernière année que t’as fait la mauvaise rencontre de trop pour elle. Maintenant que tu avais touché de loin les Night Creepers, t’étais persuadé que ta voie elle se trouvait là-bas, avec eux. Parce qu’eux ils semblaient te comprendre, ils ne te jugeaient pas, ils ne t’avaient pas connu avant alors il n’y avait pas cette déception dans leurs yeux à chaque fois qu’ils les posaient sur toi. Les choses de la vie t’avaient rendu tourmenté, colérique et violent, mais tout l’amour que tu n’as pas su donner se convertissait en une loyauté inébranlable pour tes frères loups, et peu importe ce que ta sœur pouvait bien en penser. Elle aurait aimé que ça tourne autrement pour toi, que tu t’en sortes, que t’arrête de rentrer avec de nouvelles blessures, quand par chance tu rentrais. Moi aussi j’aurais aimé d’ailleurs, que tu puisses jouir des sonates de la liberté, de la vie sans encombres et sans dangers. Mais peut-être que ça aussi ce serait ennuyant, et toi t’es tout sauf un mec ennuyeux.