Choi Jae Hwa - Parce qu'on n'étreint pas la brutalité

Ma mère s’est tirée parce que mon père lui tapait dessus, on ne pouvait pas lui en vouloir. J’ai grandi dans la haine et la violence alors comment devenir quelqu’un d’autre quand la brutalité coule dans vos veines. Il n’y avait pas d’amour entre mon père et moi, juste du respect. Je connaissais ni la douceur, ni la tendresse. Je faisais mes devoirs au milieu des sachets de coke et de quelques armes. C’était comme ça et je ne voyais pas où était le problème. J’entendais tous les jours : Ne baisse jamais les yeux, ne montre pas ta faiblesse, frappe toujours en premier. Des consignes de survie pour le milieu dans lequel je passais mon enfance.

J’avais dix ans quand mon père s’est fait arrêter, tous ses flics dans le hangar le maltraitant pour le canaliser. Je me souviens encore de mes cris de gamins pour qu’on le lâche. J’ai pris un coup et j’ai croisé son regard. Je n’ai pas pleuré. Je n’ai pas baissé la tête. J’ai simplement ravalé mes larmes et depuis elles avaient disparues.

Je me suis retrouvée chez une sœur dont je ne soupçonnais pas l’existence. Demi-sœur exactement qui n’avait pas hésité à récupérer le fils d’un truand. Avec son mari ils essayaient de m’apprivoiser sans jamais réussir à obtenir ma confiance. Je restais des heures près de la fenêtre à laisser mon esprit vagabonder, à me demander ce que j’allais devenir. Je n’étais rien, je n’étais personne. On m’imposait dans une famille, la mienne. La seule que j’avais depuis bien longtemps, celle qui m’a proposé un minimum de stabilité malgré toute cette colère au fond de moi.

Je suis entrée au lycée quand j’avais quinze ans, je ne savais pas pourquoi. Je n’étais pas bête mais je n’avais rien à y faire. Mon avenir ce n’était pas l’école. Mon avenir je le connaissais très bien. Il y avait ce type au lycée, plus âgé que moi, dans ces fringues multicolores, ses cheveux longs et ce sourire qui me poussait à bout. C’était un rayon de soleil et son regard sur moi me renvoyait ma propre image. Celle d’un petit délinquant. Je passais mon temps à le bousculer, jusqu’à ce jour où il avait basculé dans les escaliers. Sa jambe était cassée. J’avais failli le tuer. Ce type qui n’avait jamais rien fait d’autre que me sourire.

Je me suis retrouvé en centre correctionnel jusqu’à mes dix-huit ans, c’était là qu’était ma place. A ma sortie, je me suis trouvé un petit boulot dans un garage pour pouvoir me payer un appart miteux, je ne voulais plus décevoir ma sœur. Il fallait que je prenne mes distances pour que ma violence ne les touche plus jamais. A force de me battre dans la rue, pour un oui ou pour un  non, je suis entrée chez les Night Creepers. Je me trouvais une nouvelle famille. Un nouveau foyer qui me correspondait où je pouvais laisser libre cours à ma colère.