(bora) + fairies have to be one thing or the other ❞

fairies have to be one thing or the other, because being so small they unfortunately have room for one feeling only at a time.

C'est une routine inquiétante qui s'est installée dès qu'il a déménagé avec son frère ; c'est un million de messages envoyés sur son téléphone – et malheur s'il ose ne pas y répondre dans la seconde. Les premières années, ça fait plaisir, on sourit gaiement et on trouve ça attachant. Quand on a vingt ans et qu'on est couvé comme un enfant de six ans, on trouve ça beaucoup moins attachant.
Mais Pan n'est pas un adulte comme les autres, probablement parce qu'il n'est pas un adulte du tout – Pan en profite et, même si parfois ça l'énerve, c'est juste l'agacement du gosse qui en a marre, d'être chouchouté par un aîné surprotecteur.

Et c'est donc sur cette pensée, couplée à un soupir las, qu'il s'étire et s'extirpe de son lit – qu'il se prépare à une de ses rares journées de repos, sans avoir à baigner dans la friture et l'odeur constante de viande grillée. Pas qu'il n'aime pas son travail, loin de là ; juste que se reposer de temps en temps, ça lui fait un bien fou. C'est donc vers un joli stand de fleuriste qu'il se dirige avec un large sourire, une veste trop large sur les épaules, un filet géant dans les mains et des lunettes d'aviateur collées sur la tronche.

Il secoue la clochette avec l'entrain d'un enfant surexcité, un large sourire étirant ses lèvres – et il attend que tu lui ouvres en trépignant, son arme s'agitant dans tous les sens ; hyperactif à l'idée de t'emmener dans son monde, de te montrer comment c'est, d'être à sa place.

« — Bora, Bora, aujourd'hui faut qu'on y aille, c'est la bonne ! J'le sens, j'vais attraper une licorne aujourd'hui, pis j'vais leur montrer à tous, qu'elles existent ! »

Et il peut avoir l'air éperdument con, il peut passer pour le dernier des demeurés qu'il en aurait rien à cirer, parce qu'il est sûr, au fond, que tu le suivras avec ton soleil dans les cheveux et ton ciel droit dans les yeux. Tu brilles trop pour pas le suivre, hein Clochette ?

It is frightfully difficult to know much about the fairies, and almost the only thing for certain is that there are fairies wherever there are children .

Dès lors que l'aube se montrait, la louve rangeait ses crocs en devenant docile jusqu’à pouvoir se fondre dans la masse ; c'était ainsi que fonctionnait son quotidien. Vivant dans le danger depuis sa tendre enfance, l'enfant-démon n'avait jamais été en mesure de vivre une vie ordinaire ou de développer correctement ses émotions. Elle ne se comprenait pas et elle n'arrivait jamais à se refléter dans le regard de ses camarades. Personne ne trouvait de moyens de la décrire ou même de la comprendre, elle était tout simplement différente. Aujourd'hui tempérance, elle avait pourtant toujours été dans l'instabilité, fluctuant entre la bonté et la cruauté sans être en mesure de trouver le juste équilibre.

Une fois la lune couchée, elle mentait en revêtant un masque appelée la gentillesse incarnée. Elle se prétendait amie, mais tout était factice. Tout comme cette amitié qu'elle avait ficelé ; elle s’appelait clochette et il était son Peter Pan. Il brillait ce garçon, et chaque fois qu'elle le voyait, comme aujourd'hui, ses commissures s'étiraient en un instant, dans la joie et la candeur. Il croyait aux licornes et aux contes de fées, il sautait comme un enfant et elle, elle voulait le couver comme le sien, le protéger du mal qu'il ne voyait pas. Et même si elle savait que tout cela n'était qu'un moyen comme un autre pour elle de se fondre dans la masse et de tuer le temps de l'éreintante course du soleil, du haut de sa lucidité, elle se prétendait ignorante, voulant croire à cet aspect naïf de sa personnalité pour pouvoir ne serait-ce qu'un instant goûter aux plaisirs de la vie.

« — Oooh sérieusement ? Où ça ? Emmène-moi vite ! Laisse-moi juste le temps de me préparer. Et attend ; regarde, regarde ce que j'ai acheté ! »

Et elle rangea ses affaires en un instant, se munissant de son nouvel attirail, prêt à partir à l'aventure, afin fuir les obligations et l’ennuyante réalité. Elle imita son mouvement, sautillant vivement sur place avant de lui montrer le filet qu'elle avait acheté. Ça la faisait tant rire de se comporter ainsi, mais elle était tant perdue ; confuse entre ce qu'elle prétendait être et la réalité. Mais elle voulait y croire. Alors elle attrapa sa main, le traînant à l'extérieur de la boutique, prêt à se perdre dans la ville sans craindre d'être dévisagé par les passants.

« — A l'aventure ! »

Et si l'on disait que les yeux de la fée brillaient comme deux étoiles, ceux de Peter Pan brillaient comme deux constellations.

C'est plus une course contre la vie elle-même que contre le temps, le besoin de fuir la réalité jusqu'à nier son existence ; elle est sa pire ennemie et son plus grand cauchemar, l'Ombre qui s'accroche à ses talons et tente de le faire tomber, comme pour qu'il sombre dans la triste vie d'un adulte normalement constitué.

Alors Pan se bat perpétuellement, sans en avoir conscience il s'élève contre sa propre condition – c'est incroyable, dit comme ça, mais les grandes personnes ont préféré faire passer son combat pour un syndrome. Celui de Peter Pan, il paraît ; alors pourquoi ne pas pousser le vice et devenir ce Peter Pan, cet enfant qui ne grandira jamais ?
Et si Myungpan est Peter, alors toi, Bora, tu es Clochette. Une fée brillante, éclatante et une de ses meilleures amies ; et qu'est-ce que t'es belle quand tu souris, quand tu es ce qu'il pense être la vraie Bora. Une jeune fille aux yeux pétillants et au visage enjoué, une vraie enfant qui le suivrait jusqu'au bout du monde – égoïstement, il s'en est convaincu et ne supporterait peut-être pas une trahison.


« — Oooh sérieusement ? Où ça ? Emmène-moi vite ! Laisse-moi juste le temps de me préparer. Et attend ; regarde, regarde ce que j'ai acheté ! » Il trépigne en voyant ton arme de guerre, surexcité à l'idée d'être autant pris au sérieux – c'est rare, qu'on le prenne au sérieux, tu sais ? D'habitude, on lui répond des oui oui vas-y, t'en fais pas pour moi j'reste derrièremais toi t'es là, grande et souriante, comme si t'étais persuadée qu'il avait raison. « — Il est trop beauuu c'est génial ! » Il fouille dans ses poches rapidement et, au bout de quelques secondes à chercher intensivement, il en sort une paire de lunettes similaires aux siennes, à l'exception près qu'elles étaient plus claires, et qu'il avait lui-même collé des ailes de papillon sur les côtés. « — L'attirail de la p'tite exploratrice, ehe ! » Ses dents éclatent dans un rire teinté de fierté.

C'est arrivé souvent, qu'on lui dise que pour un homme de vingt ans, il avait ni la carrure ni l'esprit. Pour un mec qui était censé travailler sérieusement, étudier, débattre sur des sujets aussi philosophiques qu'ennuyants, il représentait l'échec absolu. Ce qu'ils comprennent pas, ces gens-là, c'est que Pan a préféré le bonheur à une situation stable – puisqu'il n'en a jamais connue, de situation stable, ça lui manquera jamais. Et les personnes comme toi lui rappellent pourquoi il a fait ce choix, quelque part.

Mais c'est un syndrome, ils disent, alors Pan n'y pense pas et Pan se contente d'étaler son éternel sourire de clown sur ses lèvres rosées. « — A l'aventure ! » T'as le soleil dans les cheveux et le ciel dans les yeux, tu sais ? « — Tu penses qu'elles sont comment, les licornes ? »

Tu l’entraînes dans ton sillage et il se met bien vite à ton rythme, sa main glissée dans la sienne ; il se sent prêt à découvrir tout ce monde dont il rêve depuis sa plus tendre enfance, prêt à monter sur le dos d'une licorne et peut-être même de voir des OVNIs. Si l'Homme existe sur Terre, d'autres planètes doivent être peuplées. Et s'ils viennent pas, alors Pan viendra à eux. « — Première à droite, et tout droit jusqu'au matin ! » Il pourrait sauter et crier, les passants pourraient le regarder et le prendre en pitié qu'il s'en ficherait. Mais la chasse aux licornes nécessite une certaine maîtrise – et, comme tout animal sauvage, elle est rapidement effrayée par ce qu'elle peut considérer comme une menace.

C'est pour ça qu'il cache le manche de son filet dans son dos, la tête dudit filet dépassant largement par-dessus son propre crâne. Sa main relâche la tienne et il fait glisser un index contre ses lippes, retenant le large sourire qui le démange furieusement. « — Maintenant, il faut être discret. Les licornes, quand elles ont peur, elles deviennent invisibles. C'est pour ça qu'on en a jamais vues ! » Et il le répète chaque fois qu'il t'emmène, il le répète parce qu'il en a besoin – un rituel, une incantation, un moyen de s'en souvenir ? Il ne saurait le dire.